Cher Carnet,

J'ai passé beaucoup de temps à lire des livres ésotériques, à faire du yoga, à aller au ciné, et à boire des mojitos avec mes amis-qui-ont-une-vie-active. Mes ressources s'amenuisent, et même si je sais que j'ai le temps de voir venir (à peu près deux ans d'indemnités), je sens qu'il faut que je donne un sens à ma vie.

Je suis donc allée voir mon ami Paul, en espèrant qu'il me donne l'aide nécessaire à ma remise en question.
Son nom est Emploua bien sûr.

Il s'agit de Paul Emploua - cette blague est vraiment pourrie, je l'admets, mais elle me fait du bien vu le sinistre de la situation.

J'imaginais ce fameux Paul Emploua (à lire à voix haute phonétiquement si vous n'avez toujours pas compris) comme une personne chaleureuse, qui allait m'aider à me poser les bonnes questions pour trouver ce que je voulais vraiment faire dans la vie.
En fait, ça c'est le travail d'un psy, pas celui de Paul.
Emploua.

Paul n'est pas très aimable, et il n'aime pas vraiment perdre du temps avec les losers.
Je suis arrivée chez Paul Emploua avec des fleurs niaises dans la tête, parce que j'en fais tellement pousser en ce moment, que j'ai l'impression que la vie est un paradis.

Paul m'a vue arriver de loin, et il a décidé de briser tous mes espoirs. Lorsque j'ai franchi le seuil de chez Paul Emploua, j'ai été frappé par le sinistre de la désolation ambiante. Avais-je été jusqu'à maintenant une petite privilégiée sans avoir vu la vraie vie ? Chez Paul Emploua, tout semblait à la fois en plastique et sale et l'ambiance n'était pas des plus joyeuses. A quoi m'attendais-je ? Les orchidées dans ma tête commençaient à fâner dans le hall d'accueil.
J'avais le numéro 113, nous en étions au 28...

Au bout d'une longue attente où j'ai essayé de ne pas regarder la triste réalité de la situation en me plongeant dans un livre, un Monsieur est venu me chercher (sans doute ce fameux Paul).

Je lui ai tout d'abord expliqué ma situation, que le travaillais originellement à LaBanque ("LaBanque qu'il vous faut au moment où il vous la faut, c'est pas faux") et il a failli s'étouffer avec son café-de-la-machine quand je lui ai expliqué que j'y étais tellement malheureuse que j'étais partie en négociant une rupture conventionnelle. Il m'a regardée avec un air sévère et méprisant.

" "Epanouissement professionnel" : Ah, ah ah !"" a t-il simplement lâché.

Son pessimisme m'a choquée, mais je savais que j'avais pris la bonne décision.
Je lui ai demandé s'il était possible de faire une formation, Paul m'a toisée avec un sourire narquois aux lèvres.

"Ah ! Mais quelle naïveté... Les portefeuilles sont vides, c'est la CRISE,

on ne finance plus de "formation"... Qu'est-ce que vous croyez ? Ce que les gens peuvent être crédules... Allez, signez-moi ce papier comme quoi vous vous êtes bien présentée, j'ai d'autres gens à déprimer..."

Je lui ai signifié que je n'avais toujours pas reçu mon versement mensuel, mais ça n'a pas eu l'air de l'embêter... Il faut absolument remplir un certain papier à un certain moment pour recevoir son versement à temps, le reste il s'en fout Paul Emploua.

A ce moment-là, une femme décharnée a passé sa tête par la porte, elle avait une voix stridente. "Paul, tu peux éviter d'imprimer les contrevenants de non présentation en couleurs ? Tu sais bien qu'on doit faire des économies !", puis elle est partie dans un courant d'air glacial.
Paul est devenue tout rouge et s'est énervé... "C'est Madame Lacrise, il faut toujours qu'elle la ramène, elle baisse même nos propres salaires !!!
Je deviens fou ici, je m'en fous, je vais me barrer et monter ma propre boite dans le privé! Rien-à-battre !!!!"

En sortant dépitée j'ai eu la surprise de croiser le Grand Blond. Il ressemblait à un épouvantail abîmé et avait perdu de sa superbe... "Avec les élections je me retrouve sans mission... En plus avec tout ce qui se passe à l'UMP en ce moment, Valérie Pécresse n'a pas le vent en poupe..."

J'avais envie de lui rétorquer : "Un comble pour un mec qui critiquait les assistés !", mais bien sûr, j'ai tourné ma langue sept fois dans ma bouche... "Pauvre Valou..." ai-je répondu.

Cette visite chez Paul Emploua m'avait vidée, j'oscillais entre la déprime et l'énervement...C'est à ce moment-là que j'ai compris.
Lors de situation stressante, maintenant, je pense à mes orchidées et mes azalés, à mon petit ficus et au mini-mur végétal que j'ai entrepris dans ma cuisine -un projet ambitieux... Je me pose des questions sur les engrais, sur les croisements entre espèces, sur la lumière qu'il leur faut.
Tout ça me passionne de manière naturelle...

J'ai vu la lumière en passant devant le fleuriste en bas de chez moi...Je lui ai acheté quelques graines.

Il s'appelle Monsieur Sapouce. "Bonjour Colette, alors ce mur végétal ? Quelle patience vous avez !  Dites-moi, un ami paysagiste recherche une assistante pour une création de jardin d'hiver... Ce serait pour quelques jours... J'ai pensé à vous, ça vous dirait ?"

Pour la première fois de la journée, j'ai souri...

Colette, flower power, épanouissement professionnel et cie.

Cher Carnet,

Dans la vie, tout peut aller très vite. Ce qui prend du temps, c'est de prendre les décisions - parfois on ne les prend même jamais.
Je dois dire que je vis ma séparation, par rupture conventionnelle, de LaBanque, comme un divorce à l'amiable.

Je ne supportais plus ce job et ses vieilles manies, son jargon d'entreprise et son style (pantalon noir, veste tailleur, air préoccupé tout le temps), comme on ne supporte plus un mari de trop d'années.
Ce travail, je me suis jetée dedans à corps perdu quand j'étais jeune et je voulais y croire,comme dans un mariage de raison, je me persuadais moi-même, pour faire plaisir à ma famille et leur montrer que j'étais capable d'avoir une vie normale.

J'étais prête, par cette rupture conventionnelle, à sauter à pieds joints dans la vraie vie - la vie vivante.

Je pensais qu'après cette rupture nécessaire, ma vie allait devenir incroyable, que j'aurais enfin le temps de faire du sport, de m'inscrire à des ateliers de méditation, à aller au cinéma découvrir des films d'auteur en pleine journée, de développer mes talents culinaires, de marcher une heure par jour dans Paris et de découvrir tous les monuments que je n'ai jamais eu le temps de contempler, de passer plus de temps avec mes amis et ma famille, mais aussi rencontrer l'âme soeur plus facilement...

Au final, je me lève à 11 heures depuis une semaine, puis je découvre qu'il y a des gens qui ont toujours vécu leur vie la journée. Des gens qui font des courses, qui boivent des cafés, qui prennent les transports en commun.
Des gens qui font chier car ils ont le temps quoi...

En plus, les musées et le ciné, c'est bien gentil, mais j'ai pas encore réussi à y mettre un pied...

En revanche, un Dîner Presque Parfait (DPP) n'a plus de secret pour moi. Le fait d'être encore en pyjamas à 16 heures non plus...

Et au final les mecs intéressants ont une vie intéressante. Ils sont en train de travailler à cette heure...

J'avoue que c'est pas comme dans mes rêves de liberté... Je panique...

Tout ce vide à combler, pas d'objectifs, pas de dossier à rendre, pas de "one to one" avec mon supérieur hierarchique, pas de négociations ou de déjeuner clients...

...

Ce vide intersidéral m'interpelle : que faire de cette vie occupée depuis des années par une occupation absurde: le travail à Labanque ?

A suivre...

Colette, prête à sauter à pieds joints dans la vie, mais laquelle ?

Cher Carnet,

J'ai oublié de préciser que malgré ma violente jalousie à l'égard de ma famille, j'ai décidé de soigner ma zenitude en partant faire une retraite de yoga à Goa, toute seule, comme une grande. Je précise que Goa se trouve en Inde.

Le premier jour, j'ai regardé avec agacement tous ces gens qui portaient des sarouels et qui jonglaient sur la plage. Ces apparences "cool" ne me trompaient pas, et surtout, c'est quoi ces style de m**** ? Je me suis demandée ce que je foutais là...

Le quatrième jour, j'ai fait une déshydratation car je n'avais pas l'habitude de manger végétalien. Je rêvais d'une bonne raclette. Le prof de yoga m'a préparé une concoction aux herbes... Je ne sais pas ce qu'il y avait dedans, mais ça m'a débloqué un chakra.

Le sixième jour, j'ai fait de la méditation à la bougie. Je dis ça sans cynisme aucun. Finalemant, le végétalien, c'est délicieux...

Le septième jour, j'ai réussi à placer mon pied derrière la tête.

Le neuvième jour, j'ai visualisé mon chakra du coeur et j'ai réussi à l'ouvrir.

Le douzième jour, je connaissais les mantras par coeur, et les entonnais le coeur plein de joie sereine.

Au treizième jour, je signais mes emails par "Peace and light from Goa".

Au quatorzième jour... j'avais perdu ma ride du front.

Avant de rentrer, j'ai acheté un sarouel... On sait jamais, ça peut être cool pour rester à la maison.


Colette avec Paix et Amour de Goa.

Cher Carnet,

Il y a toujours, dans toutes les familles, une fille parfaite.

Ce n'est jamais vous ou moi, mais toujours une cousine ou une soeur, pire : une nièce.

Ce qui me fait penser que chacun/e d'entre nous est peut-être la cousine parfaite de quelqu'un sans le savoir...

Ma CP(Cousine Parfaite) s'appelle Nadège. Ce prénom me faisait déjà rêver quand j'étais petite... Il évoquait la pureté de la neige blanche et la toute puissance des scoubidous ronds.

Nadège avait des soutiens-gorges alors que je mettais une brassière.

Nadège avait toujours la dernière poupée Barbie quand je n'avais droit qu'aux Baigneurs.

Nadège écoutait les 2Be3 alors que je n'en étais qu'aux Minikeums.

Nadège avait de longs cheveux blonds et épais qui formaient une courronne dorée sur son visage d'ange. J'avais une coupe au bol de playmobile entre 3 et 11 ans.

Nadège roulait des pelles à des mecs quand on allait en vacances à Dinard avec nos parents, je la regardais faire avec application.

Nadège était toujours la plus belle, j'étais celle d'à côté.

Nadège a fait Médecine, et même si aujourd'hui elle est ophtalmo, mes grands parents trouvent ça génial. Moi j'ai fait une école de com'(une école de quoi ?).

Nadège a donc un vrai métier reconnu depuis des décennies, moi j'ai un métier compliqué et "éphémère".

Nadège a le même petit ami depuis dix ans, un homme parfait : gentil, fidèle, drôle et canon.

Toutes ces raisons ont fait que j'ai invité Damien, mon collègue préféré (et meilleur ami blablabla) au mariage de Julien, le frère de Nadège et mon cousin que j'adore.
Je pensais inviter le fan de Star Trek rencontré sur AUM mais bon, je me suis dit que c'était risqué quand j'ai vu qu'il n'avait que des t-shirts imprimés dans son armoire et pas une chemise.

Comme le terrain familial est propice aux dérapages, j'ai décidé de ne pas me faire remarquer en évitant de porter la robe folklorique que j'adulais, et j'ai opté pour une sage robe rose.

Je n'ai pas tenté de faire croire à Damien que Nadège était atteinte du Papillomavirus, puisque pour moi, elle allait passer toute la soirée collée à son Mec Parfait et Adorable.

Finalement, j'ai subi une multitude de contrariété ce jour là...

Contrariété numéro 1.
Nadège était magnifique, et elle portait la robe folklo à laquelle j'avais renoncé pour paraître normale. Le pire, c'est qu'elle était sublime dedans, telle une mannequin hype qui revient de Russie.
"J'ai hésité, mais bon, faut se faire plaisir dans la vie !" a-t-elle dit avec naturel.

Contrariété numéro 2.
Nadège était bourée en 5 minutes et elle m'a expliqué, pleine de hips qu'elle s'était faite larguer par son Mec Parfait et Adorable.
"Un gros batard de sa race en fait, je te le dis cousine !"

Contrariété numéro 3.
Nadège était drôle et parlait comme une charretière. Je commençais même à l'apprécier.

Contrariété numéro 4.
Jusqu'à ce que, moi aussi pleine de hiiips, je lui avoue que j'étais pas avec Damien qui est mon "meiiiilleur ami, le plus gentil du monde !" et qu'elle se mette a le regarder bizarrement puis danser avec lui lascivement.

Contrariété numéro 5.
Le feu est monté à mes joues, quelque chose a craqué dans mon âme, comme une branche de bois bien sec qu'on casse en deux d'un coup, puis le feu a pris, dévorant mon cerveau, mon coeur et mon ventre. De crispation j'ai laissé tomber mon énième verre de Champ... Je devais faire face à l'affreuse vérité : j'étais JALOUSE, mais pas de Nadège - ça j'ai l'habitude - mais DU DESIR que Damien avait dans les yeux en la regardant.

Ne pouvant plus contrôler cet excès dévorant, et laissant rugir des années de compétition avec Nadèèège, je me suis ruée sur Damien pour le reconquérir et marquer mon territoire.

Tu as peut-être eu Barbie Camping Car, vile Cousine Magnifique, mais je ne te laisserai pas Damien.

Colette, qui reconnait ressentir des sentiments ambigus à l'égard de son ami Damien.

Cher Carnet,

Comme disait un écrivain un peu nul "Un homme doit choisir. En cela réside sa force : le pouvoir des décisions."
Je dois être bien faible, car je ne sais pas choisir... J'ai trouvé ma force dans les réseaux sociaux.

Cela m'a toujours aidé à prendre des décisions difficiles dans la vie...

Les autres sont toujours très contents (trop ?) de pouvoir me donner leur humble avis.

Mais parfois, mieux vaut garder ses hésitations pour soi :

Parfois, il vaut mieux se fier à soi... Comme dit ma grand-mère, quand il y a un doute, c'est qu'il n'y a pas de doute. Je vais acheter une troisième robe (et unfriender ce vil Karim Bécil).

Colette it be.

Cher Carnet,

Il m'est arrivé une chose incroyable grâce ou à cause du site AUM (AdopteUnMec.com pour ceux qui n'auraient pas suivi).

Je suis sortie avec un moche.

J'ose à peine l'écrire car je ne suis pas encore sûre que cela est bien arrivé. Je ne l'ai dit à personne sauf à Lulutte, bien entendu.

Ce qu'il y a, c'est qu'avec cette histoire de profils sur AUM, on propose des photos censées être des hameçons pour attirer la marchandise. Donc on choisit des photos qui nous mettent plutôt en valeur.
J'avais pour ma part choisi au début une photo bien foireuse : prise lors d'une soirée déguisée, dont le thème était "libertin-libertine", soirée durant laquelle je paraissais beaucoup plus chaude que dans la vraie vie, puisque j'avais agrémenté mon décolleté de faux-seins afin d'avoir l'air un peu plus sexy et j'étais outrageusement maquillée.

J'ai eu 3 rdv avec AUM. Ils m'ont tous les trois dit que je ressemblais vaguement à ma photo mais avec quelque chose en moins... Je comprends pas.

Le premier ressemblait bien à sa photo, mais il faisait du tuning. Quand j'ai essayé de lui expliquer que j'étais allée voir le Cid de Corneille la veille au théâtre il m'a répondu que Corneille était un chanteur beaucoup trop compliqué pour lui.
J'ai demandé à Lulutte de m'appeler en urgence.

Le deuxième ressemblait bien à sa photo, mais il avait des tics d'épaule nerveux, à la Sarkozy. Il m'a expliqué qu'il s'était fait larguer il y a deux mois à la veille de son mariage. J'ai passé deux heures à jouer la psy en lui expliquant que tout allait s'arranger. Quand il a essayé de me prendre la main dans le taxi en me disant qu'il se sentait mieux qu'après avoir pris un antidépresseur, j'ai demandé à descendre d'urgence.

Le troisième n'est pas venu, je l'ai attendu 20 min. J'allais partir, dépitée du bar, lorsque j'ai reçu un sms : "Je crois que tu as un peu de retard ? Je t'attends toujours au Progrès, je suis au comptoir, je vais être soûl à force de t'attendre..."

En me retournant, j'ai bien vu un jeune homme, accoudé au comptoir. Il avait des cheveux mi- longs avec une coupe incertaine (je déteste), le teint très blanc, et des grosses lunettes (au secours, ça me rappelle mon père). Il portait un t-shirt starwars (le seul bon signe), un jean à la coupe aussi incertaine que celle de ses cheveux, et des Doc Martens violettes. Il avait l'air d'avoir 35 ans au minimum. Je répète : des Doc Martens violettes.

Sur la photo AUM, il avait les cheveux courts, le teint hâlé, les yeux bleus et le torse nu.
Le problème, c'est que ce type pas terrible ne m'a pas parlé Tunning ni dépression : non, il était assez à l'aise dans ses Doc (violettes) et m'a parlé de son travail de chef de projet développeur, de ses voyages à l'autre bout du monde, de sa passion pour les oiseaux - il connaît toutes les sortes d'oiseaux,  j'ai eu l'impression que c'était une drogue - et de Starwars. Après plusieurs Martini, nous avons décrétés que nous n'avions rien en commun mais nous riions tellement que j'ai accepté de boire un dernier verre chez lui.

Je fais une élipse élégante pour raconter mon réveil, ce matin. Je crois que c'est quand j'ai vu qu'il avait des Lego que  j'ai flippé.
"Tu as un enfant ?" ai-je demandé, la voix blanche.
"Non, c'est des collector", m'a-t-il répondu en faisant un clien d'oeil. "Tu veux des tartines de Nutella et des Cherrios dans du lait ?"
"Euuuh, t'as pas du thé vert plutôt ?"

On est allés au café et on a décidé de mettre des photos plus récentes sur AUM. C'était très sympa, mais il ne correspondait pas à celui que j'avais décidé de rencontrer sur AUM, et moi pareil. Peut-être que c'était à cause de ça que ça pouvait marcher ? Car je dois l'avouer, c'était un excellent moment, jusqu'à la fin. Lui aurais-je donné un rendez-vous dans la vraie vie ? Je ne crois pas, et j'aurais raté une bonne soirée.

C'est après cette rencontre que j'ai instauré la charte photographique.  Je proposerai sans doute ce concept à AUM ou Meetic prochainement. Mon ami aux Doc violettes, que nous appellerons Legoboy l'a validée - oui parce qu'on est devenus "potes" du coup.

- La photo doit avoir été prise dans les 6 derniers mois, si ce n'est dans les 3 derrniers mois.
- La photo ne doit pas avoir été retouchée. - La photo ne doit pas avoir été prise après une hospitalisation - perte de poids significative - ou 15 jours de vacances à la Barbade - beauté, bien-être et bronzage exacerbés.
- Le photo ne doit pas être prise de trois-quarts, avec une pause "duck-face" légèrement en contre-plongée - attitude bitchy non réaliste.
- Pour un homme, la photo ne doit pas le représenter torse nu - attitude kéké exacerbée.
- Si possible, éviter les photos prises par soi-même - attitude égocentrée exacerbée.
- Pas de rembourrage de soutien-gorge.

Sinon, je veux encore croire au prince Charmant. Il est brun et grand et il ne porte pas de Doc Martens. Surtout Violettes.

Colette, toujours à un clic du bonheur. 

Cher Carnet,

J'ai décidé defaire comme tout le monde et d'arrêter d'attendre que l'amour de ma vie vienne frapper à ma porte  avec un bouquet de roses blanches.

J'ai décidé de vivre avec mon époque et de me donner la chance d'être heureuse.

J'ai décidé de faire un clic vers le bonheur.

Je me suis inscrite sur adopteunmec.com.

Au début, j'ai voulu m'inscrire comme tout le monde sur Meetic, puis jusqu'à ce que je tombe sur la photo de mon ex, qui a apparemment décidé lui aussi de ne pas attendre que l'amour de sa vie ne frappe à sa porte avec des croissants.

Donc je suis allée sur AUM, comme Lulutte. Comme ça, avec Lulutte, nous pouvons nous livrer à une vile occupation. Parler des mecs de AUM, aller checker les profils, les googliser et  les stalker, et surtout bien rigoler.

La première fois que je suis allée sur AUM, j'ai vu un mec pas mal, et je l'ai mis dans mon panier.
Je pensais que c'était comme une bonne note, mais j'ai compris que je l'avais "adopté", quand il m'a envoyé un message : "Alors kokine, té une rapide toi ;) "

Je lui ai envoyé un long message pour lui expliquer que je n'avais pas vraiment compris le fonctionnement du site, et j'ai fini par une formule de courtoisie hyper chiadée pour qu'il me lâche ("je suis donc confuse du malentendu que ma naïveté a pu engendrer, et je vous prie d'accepter, cher jéjé77, mes plus sincères salutations"). Il a répondu "salu l'intélo ;)" sans équivoques, qui m'a bien fait rire.

Sur les sites de rencontres, j'ai constaté que c'est mieux que dans la vie. Les mecs veulent tout de suite savoir "ce qu'on recherche", nous les femmes.

Pour ma part, je cherche l'amour dans l'absolu, mais sur adopteunmec, je ne sais pas vraiment ce que je cherche - à part des emmerdes.

 Au début, j'avais mis une photo : grosse erreur. Je ne dis pas ça pour me vanter, je pense que même si j'étais une soeur Bogdanov (une soeur des frères Bogdanov donc, avec un menton et un front immenses, des lèvres gonflées et des implants de pommettes), j'aurais eu le même succès.

Les mecs ont la dalle sur AUM, ils ont besoin d'amour et attendent qu'on les adopte, tels des petits labradors foufous dans un chenil.

Les mecs veulent "chatter" sur messenger ou par mail très rapidement. J'ai testé 2 réponses à la question fatidique.

Erwanagain : et twa tu cherche kwa ici ?

Cocointhecity : De manière générale, je cherche l'amour...L'Homme de ma vie quoi. Le père de mes enfants... Je ne crois pas aux plans cul. Et twa ?

Erwanagain is offline...

 Titoto : t charmante sur la photo ! Tu cherches quoi toi issy ?

Cocointhecity : Ici, je recherche plutôt à faire des rencontres, échanger, élargir mon horizon... Rien de sérieux quoi. Kwa je veux dire.

Titoto : ;) kokine J'pe passer chez twa ?

Cocointhecity is offline

J'ai vite compris qu'il valait mieux être honnête.

AdamchercheEve : Tu cherches quoi ?

Cocointhecity : Je sais pas.

AdamchercheEve : Normal.

Cocointhecity : Mais pas un plan cul, j'veux y croire un minimum.

AdamchercheEve is writing...

AdamchercheEve : Tu veux pas prendre un kfé un de ces jours ?

Cocointhecity : Chez twa cé sa ?

AdamchercheEve : Euh j'pensais plutot à un vrai kfé...

Cocointhecity : Ah pardon... J'ai pris de mauvaises habitudes ici avec tous ces mecs... Oui pourquoi pas... Mais ce sera ma première fois, j'ai jamais fait de rdv avec un mec de AUM....

AdamchercheEve : :-)

Je vais donc avoir mon PREMIER rdv AUM !

Tant mieux parce que je commençais à ne plus écrire normalement mé kom sa.

J'espère que tout va bien se passer, j'ai déjà le trac.

Colette, famille d'adoption.

Cher Carnet,

J'ai décidé de prendre mes angoisses en main, et de prendre rdv chez QUELQU'UN - je n'arrive pas à prononcer le mot de p*s*y sans être prise d'angoisses.

Je suis donc arrivée chez QUELQU'UN avec la boule au ventre... J'ai décidé d'oser parler des problèmes d'engagements que j'avais rencontré avec mon ex et de mon incapacité à avoir confiance en moi. "Quelques scéances suffiront", me rassurai-je - après m'être répétée pendant 10 ans que ça ne servait à rien. 

J'ai attendu dans la salle d'attente, ce qui est cohérent.

Il y avait le magazine Psychologies, ce qui du bon sens.

Quand la dame est venue me chercher, j'ai tout de suite vu le paquet de mouchoirs. "Cliché", ai-je pensé.

Ensuite, elle m'a regardée, avec un sourire mi figue-mi raisin - c'est à dire un sourire de Mona Lisa, très mystérieux.

Là, il y a eu deux temps...

Un premier temps ou j'ai fait ma mariole... C'était un très bon moment !

"Oui, ahahah ! Et là je dois parler ?... Excusez-moi, je ne suis jamais allée chez QUELQU'UN... C'est possible de m'expliquer comment ça marche ?... Non ? ... Vous parlez jamais en fait ??? ........................... Excusez-moi, je ne sais pas ce que je fais ici, je me suis trompée.... Je vais partir... Je n'ai pas besoin de voir QUELQU'UN c'est ridicule, je suis très heureuse... Je... Je dois vous parler de quoi ??? Je ne sais pas quoi vous dire...ahah !..."

Et là, QUELQU'UN a parlé : "Vous dites que vous ne savez pas ce que vous faites ici, que vous vous êtes "trompée" "?

"....Euh oui... Et alors ? Je n'ai pas à me plaindre, rapport à d'autres... Je vis dans un pays riche, je travaille, j'ai une famille, je mange tous les jours... Il y a des gens qui ne MANGENT PAS A LEUR FAIM, vous savez, des gens qui vivent des GUERRES !!! Et moi, je suis là, dans mon petit confort là...."

J'étais en mode "mariole-à-fond-les-manettes".

QUELQU'UN a dit en articulant parfaitement et prenant tout son temps :

"... Et vivre dans un pays riche vous empêche d'être triste ou de vous plaindre ?..."

Et là, ça a basculé dans un deuxième temps - j'ai détesté ce moment.

J'ai pleuré, chouiné, j'avais l'impression d'avoir 5 ans...

"sniiiiiiiifff Pas le droit de me plaindre....sniiiiiiiiiiifffii.... toujours assuré...sniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiifffi... mon père soit fier de moi...sniiiiiiiiiiifffii...détes-te mon...travail....sniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiifffi... Vie foutue... Incapable d'aimer... sniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiifffi Nulle... Snnniiifff... Mère tout le temps triste...Ma soeur tout le monde l'aime... sniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiffsniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiifffi exhibitionniste... sniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiifffPression... sniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiifff travail... sniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiifff envie de vomir parfois... enfant... ex... sniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiifff engagement...sais plus où j'en suis...et je veux mon doudouuuuu... sniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiifff"

C'est là où j'ai compris l'importance de la boîte de mouchoirs.

QUELQU'UN me l'a tendue... "Nous parlerons de ce "doudou" la semaine prochaine."

Bien sûr, je ne vois pas l'intérêt d'aller voir QUELQU'UN pour pleurer pendant 30 minutes sur des absurdités, et ensuite payer une somme considérable.

Je crois que je ne vais pas y retourner et que je vais aller m'acheter plein de vêtements à la place.

(Bon, j'avoue que cette histoire de doudou m'a perturbée, je vais peut-être y retourner juste pour voir...)

Colette, à la recherche de son doudou

Cher Carnet,

Il y a un phénomène étrange qui, je l'avoue, me déçoit dans l'espèce humaine... Cette non-croyance injustifiée envers l'amitié entre deux personnes de sexe opposé. J'ai observé que cela déclenche l'hilarité générale. Les gens ont tout de même les idées mal placées, non ?

Exemple concret, alors que j'attendais Damien pour assister à l'expo Beauté animale au grand Palais. Lulutte était hilare au téléphone après que je lui ai annoncé que j'attendais Damien, mon nouvel ami.

Colette, qui va faire éclater la vérité sur l'amitié mixte au grand jour.